Petit guide de la propulsion électrique

De plus en plus de débutants se lancent dans l'aéromodélisme armés d'un engin électrique tout monté dans la boîte. En général, tout se passe bien jusqu'à ce qu'ils changent le moteur ou passent à un modèle plus conséquent... Ce que les néophytes négligent, c'est que l'ensemble de la chaîne de propulsion doit être adapté, depuis l'accu jusqu'à l'hélice en passant par les fils. Pour sortir vainqueur de cet exercice périlleux, lisez ce qui suit...

Texte: Laurent Schmitz

Moteur: avec ou sans charbons?
Il existe deux grandes catégories de moteurs électriques: 'brushed' et 'brushless'. Les premiers ('brushed') sont dits 'à charbons'. Ils possèdent des balais qui amènent le courant à la partie qui tourne (au centre du moteur). On parle de 'charbons' car ce sont des petits morceaux de carbone qui frottent sur le collecteur. Ces moteurs peuvent être très bon marchés, comme la série 'Speed' de Graupner. Leur désavantage est que les balais s'usent et provoquent des pertes. Ils tournent à haute vitesse (20.000 t/m) et leur rendement est médiocre. Il en existe des versions sophistiquées avec aimants cobalt, timing variable etc. mais leur prix est alors comparable aux moteurs 'brushless', bien plus performants. Pour tourner, les moteurs 'brushed' se contentent d'une alimentation en courant continu (le genre de courant qui sort d'une batterie). On peut régler leur vitesse à l'aide d'un 'variateur' électronique, généralement bon marché. Pour améliorer leur rendement, on peut leur ajouter un réducteur.
Tous les moteurs à charbons doivent être déparasités sous peine de provoquer des interférences radio. Certains moteurs sont équipés d'origine, mais les moins chers ne le sont pas. Il suffit de souder trois condensateurs céramique: un entre les deux pôles du moteur (le strict minimum) et éventuellement un entre chaque pôle et la carcasse métallique. Si les condensateurs ne sont pas inclus dans la boîte, il est possible de les acheter séparément.
Les moteurs 'brushless' ont pour particularité de ne pas avoir de balais et sont donc 'inusables'. Ils fonctionnent en courant triphasé et nécessitent l'emploi d'un 'contrôleur' électronique pour tourner. On ne peut pas brancher directement la batterie sur le moteur.
Le prix d'un 'brushless' est beaucoup plus élevé que celui d'un moteur 'brushed'. En plus, comme ces moteurs atteignent des vitesses énormes (40.000 t/m) il faut utiliser un réducteur pour en tirer parti, ce qui fait monter la facture.
Heureusement, il existe un type de moteur brushless qui tourne plus lentement et permet de se passer de réducteur. Il s'agit des moteurs à 'cage tournante' ou 'LRK'. Dans ces moteurs, ce n'est pas l'intérieur qui tourne, mais l'extérieur. Ils sont actuellement très populaires car ils permettent de remplacer facilement un moteur thermique. Ils utilisent les mêmes contrôleurs que les 'brushless' traditionnels.

Variateurs ou contrôleurs: deux ou trois fils?
Les variateurs servent à changer la vitesse des moteurs à charbons (brushed). Il en sort deux fils qui se connectent aux deux pôles du moteur. En inversant ces deux fils, on change le sens de rotation du moteur.
Les moteurs brushless ont besoin d'un contrôleur. Celui-ci transforme le courant continu qui sort de la batterie en courant triphasé. Il y a donc trois fils à connecter au moteur. Pour changer le sens de rotation, il suffit d'inverser deux des trois fils. En plus de faire tourner le moteur, le contrôleur permet de changer sa vitesse, comme un variateur.
Attention! Il ne faut jamais brancher un moteur brushless directement sur la batterie. Non seulement il ne tournera pas, mais il grillera certainement. Il faut toujours utiliser un contrôleur, de préférence de la même marque que le moteur.
Le variateur ou le contrôleur doit être adapté au moteur. Si ce dernier est conçu pour accepter 30 ampères de courant, il faut que l'électronique soit capable d'encaisser plus que ça. Dans notre exemple, un variateur de 35A ferait l'affaire. Pour tout le matériel électrique (moteurs, accus, contrôleurs, etc.), on signale souvent deux valeurs, comme "20/45A". La première valeur est la limite à ne pas dépasser en fonctionnement continu. La seconde est acceptable pour quelques instants seulement.
Tous les variateurs et contrôleurs possèdent des fonctions supplémentaires. Le frein sert à arrêter l'hélice quand on coupe les 'gaz'. Sans ça les hélices, même repliables, continuent à tourner et agissent comme un énorme aérofrein. La fonction LiPo sert à couper le courant au moteur avant que la batterie soit vide, afin de protéger celle-ci d'un décharge trop importante. Le 'BEC' permet d'alimenter le récepteur radio par la batterie de propulsion. Le mode 'opto' permet d'éviter les interférences entre le récepteur et le moteur, etc.

Réducteurs: plus lent, c'est moins mauvais...
Les moteurs électriques (à l'exception des 'LRK') tournent très vite, jusqu'à 50.000t/m! Hélas, a plus de 10.000 t/m, les hélices perdent leur efficacité; c'est un peu comme si elles 'dérapaient' dans l'air. En plus, à une telle vitesse, on doit choisir une petite hélice pour ne pas trop consommer. Sur un avion avec un gros capot, ce n'est pas beau et ça ne marche pas aussi bien qu'une grande hélice. La solution est de placer un réducteur entre le moteur et l'hélice. Ce n'est rien d'autre qu'un engrenage qui permet de réduire la vitesse de rotation. Un réducteur 3:1 par exemple permet de faire tourner une hélice à 6.000 t/m quand le moteur tourne à 18.000 t/m. Cette hélice peut alors être trois fois plus grande. Les réducteurs sont simples ou complexes, selon la qualité des matériaux, le nombre de pignons et la forme. Ils coûtent souvent plus cher que les moteurs eux-mêmes. Ils amènent un gain de performances impressionnant, surtout pour les avions lents et les motoplaneurs. Ils sont par contre inutiles pour les appareils très rapides et les modèles à turbines. Les réducteurs sont encombrants, bruyants et nécessitent un entretien régulier. Ils peuvent aussi s'user rapidement. Leur poids n'est pas négligeable et les modèles à axe déporté posent des problèmes de montage.

Accus: chaud devant!
La capacité des accus est comme la quantité de carburant dans un réservoir. Elle se mesure en 'mah' (milliampères/heure). En clair, un accu de 2.000mah permet de faire tourner un moteur qui consomme 2A pendant une heure. Ou encore un moteur qui consomme 8A pendant 1/4 hr.
Quel que soit l'accu, il est impératif de vérifier s'il peut être chargé et déchargé rapidement. Il ne faut utiliser que des accus spéciaux destinés à la propulsion, sinon l'avion ne volera pas ou l'accu sera détruit. Il peut même exploser ou prendre feu! Dans le doute, demandez à un spécialiste.
Trois grands types d'accus permettent de faire voler nos avions. Les accus 'NiCd' ou 'Nicad' sont lourds et ont une capacité réduite, mais ils supportent les pires traîtements et sont capables de délivrer beaucoup d'électricité en très peu de temps. Il n'est pas rare de voir des accus NiCd vidés en cinq minutes de vol. Ils sortent bouillants de l'avion et pourtant ils marchent encore. Ces accus sont mauvais pour l'environnement et ne peuvent pas être jetés à la poubelle.
Les accus 'NiMh' ont plus de capacité pour le même poids. On vole jusqu'à 50% plus longtemps qu'avec des NiCd! Par contre, ils ne supportent pas d'être surchargés et beaucoup se déteriorent si on les charge ou décharge trop rapidement.
Les accus 'LiPo' ('lithium-polymères') ou 'LiIon' ('lithium-ions') ont une capacité encore plus élevée pour un poids très réduit. Certains peuvent être déchargés aussi vite qu'un accu NiCd. Malheureusement, ils sont très fragiles, ne supportent pas la surchauffe ni la surcharge. Pire encore, ils ne peuvent pas être trop déchargés sous peine d'être détruits. Ils présentent en outre un risque d'incendie, coûtent très cher et ne peuvent être remplis que par un chargeur spécial. Ils ne conviennent pas pour les débutants.

Hélices: pourvu que ça tourne!
Les hélices sont très importantes en électrique. Leur taille est indiquée par deux séries de numéros. Par exemple: 6x3 d'un côté et 15x8 de l'autre. 6x3 est la taille en pouces (mesure anglaise). 15x8 est la taille en centimètres. Le premier nombre est le diamètre: 6 pouces ou 15 cm. Le second est le 'pas': 3 pouces ou 8 centimètres. Une hélice dans l'air, c'est comme une vis dans le bois: elle s'enfonce quand on la tourne. Si on tourne notre hélice d'un tour, elle avancera de 8 cm. En général, quand on parle d'hélices, on donne les dimensions en pouces. C'est une habitude venue d'outre-mer.
On peut calculer la vitesse théorique d'un avion en multipliant le nombre de tours/minute par le pas. Dans notre exemple, si le moteur tourne à 10.000t/m, l'avion avancera de 10.000 x 8cm, soit 800 mètres en une minute. C'est la même chose que 48km/hr. Pour aller plus vite, on peut monter une hélice 6x4 (15x10). La vitesse théorique est alors de 60km/hr. Le moteur forcera un peu plus et consommera un peu plus.
Dans la pratique les hélices ne tournent pas dans le bois, mais dans l'air. Plus elles tournent vite, plus elles 'dérapent'. La même chose se produit si le pas est trop grand. Il est donc impossible d'atteindre la vitesse théorique. Pour compliquer les choses, les hélices de grande taille marchent mieux que les petites, mais elles font plus forcer le moteur.
Pour résumer on peut dire qu'il faut une petite hélice avec beaucoup de pas pour un avion rapide. Pour un avion lent ou un motoplaneur, une grande hélice de petit pas conviendra mieux.

Chargeurs: bon marché, c'est plus cher...
Il existe de nombreux modèles de chargeurs sur le marché, de 25€ à 250€ et plus... Cela dit, il est important de savoir qu'un chargeur bon marché est forcément plus limité et souvent moins fiable. Il ne peut pas non plus être mis à jour (si de nouveaux accus arrivent sur le marché). Pour cette raison, beaucoup de modélistes ayant acheté un chargeur bas de gamme finissent par quand même par acquérir un plus gros modèle. Leur 'petit' chargeur finit alors dans la poubelle ou au fond d'une armoire... Pour 120 euros, il est possible de trouver un chargeur piloté par ordinateur capable de remplir (et vider) tous les types d'accus en toute sécurité. C'est un investissement important, mais qui durera des années. Même sur 5 ans, c'est encore moins cher qu'un machin bon marché inutilisable après une saison.
Les chargeurs d'accus de propulsion se branchent sur une batterie d'auto (12 volts) pour pouvoir recharger les accus sur le terrain de vol. Ils ne sont pas pratiques pour recharger les accus de la radiocommande. Pour cela, il vaut mieux acheter un chargeur pour émetteur/récepteur. Pour une vingtaine d'euros, celui-ci pourra même remplir les piles rechargeables de votre balladeur ou de la lampe de poche ;-)

Accessoires: toute résistance est inutile!
Deux copains arrivent au terrain avec le même avion. Ils ont le même moteur et pourtant un des deux modèles vole nettement mieux et plus longtemps. Comment est-ce possible? La réponse se trouve dans la résistance électrique des accessoires. Les fils par exemple doivent être assez gros et pas trop longs sinon le courant ne passe pas assez vite pour alimenter le moteur. Le fil chauffe et le moteur tourne mal.
Pour un courant entre 10 et 20A (moteurs type Speed 400-480), il faut des fils d'au moins 1,5mm carrés. De 20 à 40A (moteurs type Speed 600-700), du fil de 2,5mm carrés est nécessaire.
Les fiches et connecteurs sont une autre source de résistance. C'est pour cela que l'on soude les fils des variateurs (ou contrôleurs) directement sur les moteurs de compétition. Il y a même des modélistes qui soudent le contrôleur directement sur l'accu avant chaque vol! Ce n'est pas pratique, mais il y a moins de pertes... Si vous utilisez des connecteurs, ils doivent être au moins 1,5x plus gros que les fils (4mm pour du fil de 2,5mm carré). Les connecteurs en argent ou plaqués or sont préférables. Ne lésinez pas non plus sur la soudure. Il vaut mieux une grosse 'motte' qui déborde qu'un petit point de contact.
Certains accus ont une résistance interne élevée. Ils chauffent et le courant ne parvient pas à en sortir. Ainsi, les piles rechargeables ordinaires ne conviennent pas pour alimenter un moteur d'avion car leur résistance interne est trop élevée.
Variateurs et contrôleurs ont aussi une résistance interne, même si elle est généralement faible. Quitte à prendre un peu de poids, il vaut mieux acheter un variateur surdimensionné (30A au lieu de 20A, par exemple). Il ne chauffera pas et le courant passera mieux.
Attention: ne placez jamais d'interrupteur supplémentaire sur le circuit de propulsion. Il ne tiendrait pas le coup avec tant de courant. Faites aussi attention à la longueur des fils si vous avez un moteur brushless. Les contrôleurs peuvent refuser de fonctionner, émettre des interférences ou même griller si les fils sont trop longs. Si vous ne pouvez pas faire autrement, il faut ajouter de gros condensateurs sur le contrôleur: faites appel à un pro!

Question de Watts
Maintenant, comment combiner tout ça et comment savoir si l'avion volera bien?
Tout est une question de rapport poids/puissance. Pour voler correctement, un modèle réduit doit disposer d'un certain nombre de watts par kilo.
Prenons un exemple: le motoplaneur Easystar de Multiplex. Il vole bien avec un moteur Speed 400 et une batterie de 7 éléments. Pour connaître le nombre de watts, on met le moteur à fond et on mesure l'ampérage et le voltage au moteur. Dans notre exemple, on obtient 8 ampères et 7 volts. 8 x 7 = 56 watts. Notre Easystar pèse 680gr au décollage. Il dispose donc d'un rapport poids/puissance équivalent à 82 watts par kilo.
Remarquez que quand le moteur tourne, le voltage diminue fortement. L'accu chargé à fond donnait 10 volts, mais quand le moteur tourne, on ne mesure plus que 7 volts (± 1 volt par élément). C'est cette mesure qu'il faut considérer.
Bien entendu, l'Easystar est un modèle de débutant qui se contente de peu. Pour un avion d'entraînement (genre 'Magister' de Multiplex) il faut compter 125 watts par kilo. Un chasseur demandera au moins 150 watts/kilo et un voltigeur aura besoin de plus de 200 watts par kilo. Aux extrêmes, on trouve le motoplaneur tranquille qui montera avec 50 watts/kg et le 'jet' à turbine qui ne volera pas avec moins de 300 watts/kg.

Chaîne de propulsion
Vous savez maintenant qu'il faudra par exemple 120 watts pour que votre motoplaneur vole correctement, vu qu'il devrait peser 1.300gr au décollage. Cela vous permet de choisir facilement le matériel de votre chaîne de propulsion. 120 watts, c'est comme 12A et 10 volts ou encore 15A et 8 volts...
Commençons par l'accu. En effet, la place disponible et le poids vont limiter votre choix. La dernière combinaison citée semble la meilleure car pour obtenir 8 volts moteur tournant, il faudra bien 8 éléments NiCd ou NiMh. Cela signifie que vous devrez choisir le reste du matériel pour que la consommation du moteur soit de 15A à fond. L'accu devra avoir une capacité de ±1800mah. Pourquoi? Pour voler une heure à fond (15A), il faudrait un accu de 15.000mah. Impossible, ça n'existe pas et d'ailleurs ce serait trop lourd. Pour voler 1/4hr, ça ferait 1/4 de 15A = 3.750mah. C'est encore trop! Par contre 10 minutes font 2.500mah. Comme on ne vole pas tout le temps à fond et que le moteur consomme 30% moins en vol, on doit avoir assez avec ±2.000 mah. L'accu sera donc un 8 éléments de 2.000mah.
Passons au moteur. 15A, c'est une bonne valeur pour un Speed 600 8,4 volts. Avec une hélice 7x4, on doit y arriver. Reste le variateur. Un modèle 20/35A avec BEC et frein fera parfaitement l'affaire. Les fils auront une section de 2mm carrés avec des connecteurs dorés de 3mm pour faire bonne mesure.
Attention! Tous ces ampères provoquent un échauffement: du moteur, du variateur et de l'accu. Il faut donc prévoir deux trous: un devant pour faire entrer l'air frais et un autre derrière pour le faire sortir. Pour une bonne ventilation, le trou de sortie doit être 1,5x plus grand que le trou d'entrée. Évitez aussi d'emballer le variateur ou l'accu dans de la mousse car la chaleur ne pourra pas se dissiper.

Puissance ou autonomie, à vous de choisir?
Reprenons l'exemple précédent.
Pour augmenter la puissance du moteur, vous avez le choix. Si vous ajoutez un élément à l'accu, il y aura plus de volts et donc plus de watts. Mais le modèle sera plus lourd... Vous pouvez aussi garder 8 éléments, mais augmenter la taille de l'hélice. Avec une 8x4, le moteur avalera 20A et vous passerez à 20 x 8 = 160 watts. Mais l'autonomie diminuera...
Si la puissance vous convient mais que l'autonomie est trop faible, la solution simple consiste à placer un accu plus gros, un 2.400mah par exemple. Mais c'est lourd et cher. Il est plus facile d'ajouter un élement à l'accu existant et de réduire l'hélice pour avoir toujours 120 watts. Une hélice 6x4 fera l'affaire.
Il ne faut pas forcément choisir entre la puissance ou l'autonomie. En montant un réducteur ou mieux encore, en investissant dans un moteur à 'cage tournante', votre modèle volera nettement mieux avec la même puissance car vous pourrez monter une hélice plus grande, donc plus efficace. Et comme l'engin montera plus rapidement, vous utiliserez moins longtemps le moteur et augmenterez d'autant l'autonomie. Qui a dit que c'est simple, l'électrique???

j'ai lu, relu votre article et je le trouve très intéressant. Je suis vieux modéliste mais assez néo dans l'électrique que je découvre depuis un an. Bref, je suis (du verbe suivre) votre explication mais une question me turlupine :" n'y aurait-il pas une version de cet article qui explique les problèmes et adaptations avec les batteries li-po, les moteurs et variateurs d'aujourd'hui ? Comment électriser un avion avec les produits de maintenant ? Auriez-vous une réponse ou une solution à mon inquiétude ??
Merci encore d'avoir écrit cet article qui a sans doute aidé, comme moi, beaucoup de modélistes à motoriser leurs modèles.